Les conflits prolongés dans la zone OSCE

Origine

Des conflits sécessionnistes ont ébranlé au début des années 1990 l’Azerbaïdjan, la Géorgie et la Moldavie dans le contexte de l’éclatement de l’Union soviétique et de l’accès à l’indépendance de ces Etats. Du jour au lendemain, les délimitations administratives internes à l’URSS sont devenues frontières internationales alors qu’elles ne reflétaient pas nécessairement les réalités géographiques, ethniques, religieuses ou linguistiques du terrain. Ces nouvelles frontières ont été contestées par des minorités qui ne s’identifiaient pas aux Etats nouvellement indépendants. Des affrontements armés ont, à chaque fois, opposé le pouvoir central à des mouvements séparatistes et ont fait l’objet de cessez-le-feu qui demeuraient en vigueur, malgré des incidents sporadiques, jusqu’à l’éclatement du conflit ouvert en Géorgie le 8 août 2008 et, surtout, la reprise des hostilités armées dans le conflit du Haut-Karabagh le 27 septembre 2020. En l’absence de règlement politique durable, ces conflits continuent de constituer une menace à la sécurité et à la stabilité de la zone OSCE.

Cadre général de l’intervention de l’OSCE

Ayant pour mandat l’alerte précoce, la prévention des conflits, la contribution à leur règlement et la gestion des situations post-conflits dans sa zone, l’OSCE s’efforce de favoriser des compromis permettant de promouvoir la coopération, la sécurité et l’ancrage de la démocratie dans les pays concernés. Depuis sa création, l’Organisation a développé une série de mécanismes d’alerte rapide et de prévention des crises : mécanisme de Vienne (1989) et mécanisme de Moscou (1991) pour traiter les questions relatives à la dimension humaine ; mécanismes d’alerte rapide pour prévenir les risques de conflits (document de Vienne de 1999) ; mécanismes d’action préventive dans les situations de crise potentielle (notamment mécanisme de Berlin de 1991) et dispositifs de règlement pacifique des conflits (mécanisme de La Valette de 1991 et Convention sur la conciliation et l’arbitrage de 1992). Elle a adopté lors du conseil ministériel de Vilnius en décembre 2011 une décision sur l’ensemble des éléments du cycle du conflit liés au renforcement des capacités de l’OSCE en matière d’alerte précoce, d’action rapide, de facilitation du dialogue et de soutien à la médiation, ainsi qu’à la réhabilitation post-conflit.

Le Haut-Karabagh

Enclave à majorité arménienne située sur le territoire de l’Azerbaïdjan, au sein duquel elle bénéficiait d’un statut de large autonomie à l’époque soviétique, le Haut-Karabagh (ou Nagorno-Karabagh) déclare le 2 septembre 1991 après un referendum boycotté par la minorité azerbaïdjanaise son indépendance, que la communauté internationale, y compris l’Arménie, ne reconnaît pas. A l’issue d’un conflit armé meurtrier au cours duquel l’Azerbaïdjan essaie de restaurer son autorité sur ce territoire, un accord de cessez-le-feu est signé le 12 mai 1994 à Moscou.

Après l’adhésion de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan, la CSCE décide de contribuer plus activement à la recherche d’un règlement au conflit. C’est dans cette perspective que la réunion supplémentaire du Conseil de la CSCE, qui s’est tenue à Helsinki le 24 mars 1992, décide de convoquer « dès que possible » une conférence de paix, prévue à Minsk, qui n’aura finalement pas lieu. Toutefois, les pays qui devaient y participer ont pris l’habitude de se réunir en formation ad hoc pour encadrer les négociations, dans le cadre de ce qui est devenu le groupe de Minsk. A partir de 1997, une co-présidence tripartite (France, Russie et Etats-Unis) a assuré la médiation entre les parties. Son intervention était facilitée par un représentant personnel de la Présidence en exercice de l’OSCE (l’ambassadeur Andrzej Kasprzyk), alors chargé d’observer sur place le respect du cessez-le-feu sur la ligne de contact ainsi qu’à la frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Le travail de médiation des co-Présidents avait porté, depuis 2007 et le Conseil ministériel de l’OSCE de Madrid notamment, sur l’élaboration des « Principes de base » d’un règlement négocié, que les parties n’ont jamais endossé.

La guerre dite « des 4 jours » de début avril 2016 avait toutefois induit une prise de conscience du caractère non soutenable du statu quo et de la nécessité d’avancer, tant sur la stabilisation de la situation sur le terrain par l’adoption de mesures de confiance, que sur les discussions de fond en vue d’un règlement pacifique et durable du conflit du Haut-Karabagh. L’activité diplomatique s’était intensifiée par la suite. Malgré le niveau élevé d’engagement de la co-présidence du Groupe de Minsk pour progresser dans la recherche d’une solution politique négociée, les nouveaux échanges de tirs meurtriers du 12 juillet 2020 devaient préfigurer la reprise de la guerre le 27 septembre 2020. A l’issue d’affrontements très violents, qui ont fait des milliers de victimes militaires et quelques centaines de victimes civiles, les Parties ont signé le 9 novembre 2020 sous les auspices de la Russie une déclaration tripartite instaurant un cessez-le-feu à compter du 10 novembre, organisant le déploiement d’une force russe de maintien de la paix pour une durée de 5 ans renouvelables, assurant le retour à l’Azerbaïdjan des districts occupés, ouvrant la voie au retour des personnes déplacées et des réfugiés et garantissant la réouverture des voies de communication.

A l’occasion du conseil ministériel de Tirana, les chefs de délégation des pays coprésidents du Groupe de Minsk, MM. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères de la France, Sergueï Lavrov, ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie, Stephen E. Biegun, secrétaire d’État adjoint des États-Unis, ont publié le 3 décembre 2020 une déclaration saluant l’arrêt des opérations militaires dans la zone du Haut-Karabagh et appelant l’Arménie et l’Azerbaïdjan à continuer de mettre en œuvre pleinement leurs obligations au titre de la déclaration du 9 novembre ainsi que les engagements relatifs au cessez-le-feu qu’ils avaient pris précédemment. Ils ont également exhorté l’Arménie et l’Azerbaïdjan à mettre à profit le cessez-le-feu pour négocier un accord de paix durable et viable. Alors que la guerre d’agression lancée par la Russie contre l’Ukraine le 24 février 2022 s’est traduite par la suspension des activités de la coprésidence du groupe de Minsk, l’OSCE reste engagée, aux côtés de l’Union européenne notamment, pour un règlement négocié, complet et durable de toutes les questions de fond en suspens dans ce conflit.

Ossétie du Sud et Abkhazie – Géorgie

Bénéficiant d’un statut de région autonome sous l’URSS, l’Ossétie du Sud fait sécession au début des années 1990, entraînant un conflit armé avec Tbilissi. Avant l’éclatement du conflit d’août 2008, l’accord signé à Dagomys (banlieue de Sotchi) le 24 juin 1992 établissait une force tripartite de maintien de la paix, composée de 3 bataillons de 500 hommes chacun (Géorgiens, Nord-ossètes et Russes), pour assurer le respect du cessez-le-feu et la démilitarisation de la zone de conflit dans laquelle l’OSCE avait déployé huit observateurs militaires, qui travaillaient en liaison avec les forces de maintien de la paix. L’OSCE participait également à la Commission mixte de contrôle, qui visait à maintenir le dialogue entre toutes les parties représentées (Géorgie, Ossétie du Sud, Ossétie du Nord, Russie) et constituait le mécanisme de recherche d’un règlement au conflit. La mission de l’OSCE en Géorgie contribuait par ailleurs à la mise en œuvre de mesures de confiance dans la région, en particulier à travers un ambitieux programme de réhabilitation économique lancé à Bruxelles le 14 juin 2006.

Région sécessionniste de la Géorgie ayant proclamé son indépendance en août 1992, l’Abkhazie a également été le théâtre d’un conflit armé avec le pouvoir central de Tbilissi. Jusqu’en août 2008, les belligérants étaient séparés de part et d’autre d’une zone de sécurité (région de Gali / Zougdidi) établie par l’accord de cessez-le-feu du 14 mai 1994 de Moscou. Cette zone était surveillée par une force de maintien de la paix de la CEI dirigée par la Russie et par la mission d’observation des Nations unies en Géorgie (MONUG) déployée pour garantir la mise en œuvre du cessez-le-feu et faciliter la recherche d’un règlement politique d’ensemble du conflit. La Russie a toutefois opposé le 15 juin 2009 son veto au projet de résolution de reconduction technique de la MONUG, pourtant soutenu par une majorité de membres du Conseil de sécurité.

Pour mettre fin au conflit ouvert qui a éclaté le 8 août 2008 entre la Russie et la Géorgie, un accord de cessez-le-feu en 6 points a été signé le 12 août à l’initiative de la Présidence française de l’Union européenne et de la Présidence en exercice finlandaise de l’OSCE. Conformément à l’arrangement obtenu le 8 septembre 2008 à Moscou par la Présidence française de l’Union européenne, précisant les modalités de mise en œuvre de l’accord du 12 août, des discussions internationales ont débuté le 15 octobre 2008 à Genève sur les modalités de sécurité et de stabilité dans la région ainsi que sur la question des réfugiés et déplacés. La quatrième session de ces discussions, qui a eu lieu les 17 et 18 février 2009, s’est traduite par l’adoption de mécanismes conjoints de prévention et de règlement des incidents (MPRI).

Les discussions internationales de Genève restent le seul forum réunissant l’ensemble des parties au conflit. Elles continuent néanmoins de se heurter à d’importantes difficultés, accentuées en 2020 par la pandémie de covid-19. Si la situation sur le terrain est relativement stable, l’installation préoccupante de barrières et obstacles, à l’initiative des « garde-frontières » russes, se poursuit sur et au-delà de la ligne de délimitation administrative avec les régions séparatistes. Les mécanismes de prévention et de règlement des incidents d’Ergneti (pour l’Ossétie du sud) et de Gali (pour l’Abkhazie) ont connu des évolutions en dent de scie et des suspensions fréquentes. Les coprésidents des discussions internationales de Genève ont appelé en novembre 2019 à la relance des MPRI, effective pour Ergneti depuis juillet 2020. En revanche, aucune réunion du mécanisme n’a pu se tenir à Gali à ce jour. Après des mois de reports successifs, les discussions internationales de Genève ont quant à elles repris le 11 décembre 2020. Depuis, le rythme des réunions a pu être maintenu et la dernière session en date (56ème) des discussions s’est tenue le 5 octobre 2022.

En l’absence de consensus sur la poursuite d’une présence en Géorgie en raison du blocage de la Russie, la mission de terrain de l’OSCE en Géorgie et ses observateurs militaires ont été contraints de mettre un terme à leurs activités à compter du 30 juin 2009.

Transnistrie - Moldavie

Mince langue de terre située à l’est du Dniestr et à l’ouest de la frontière ukrainienne, la Transnistrie a connu à la fin des années 1980 un mouvement séparatiste refusant la dislocation de l’URSS. Ce mouvement a conduit à la proclamation unilatérale d’une indépendance en 1990, qui n’a jamais été reconnue internationalement et qui a entraîné une guerre civile de deux ans. Un cessez-le-feu a été signé le 21 juillet 1992 par les autorités moldaves et russes, qui comporte notamment la création d’une zone de sécurité démilitarisée et la constitution d’une force tripartite (russes, moldaves, transnistriens) de maintien de la paix de 1200 hommes, placée sous la supervision politique d’une Commission conjointe de contrôle. La Russie dispose également d’un contingent chargé de sécuriser le dépôt de munitions héritées de la période soviétique et entreposées à Cobasna.

Alors que l’Union européenne a déployé depuis décembre 2005 une mission d’observation de la frontière avec l’Ukraine (EUBAM), l’OSCE s’efforce de faciliter les négociations conduites dans le cadre du format « 5 + 2 » (les 2 parties : Moldavie et Transnistrie, 3 médiateurs : Ukraine, Russie et OSCE, ainsi que, depuis octobre 2005, 2 observateurs : Union européenne et Etats-Unis) et est aussi chargée de suivre le processus de retrait et de destruction des munitions du dépôt de Cobasna, interrompu toutefois depuis 2004.

Les dernières négociations officielles en format « 5+2 » se sont tenues en octobre 2019 à Bratislava. Les réunions en format dit « 1+1 » des négociateurs en chef moldave et transnistrien et les réunions des groupes de travail techniques se poursuivent néanmoins, malgré la pandémie de Covid-19 et le lancement de la guerre d’agression russe contre l’Ukraine le 24 février 2022.

Lors du conseil ministériel de Stockholm (2 et 3 décembre 2021), une déclaration ministérielle sur les négociations relatives au processus de règlement transnistrien au format « 5+2 » a été adoptée. A cette occasion, les ministres des Affaires étrangères de l’OSCE ont rappelé leur ferme détermination de parvenir à un règlement global, pacifique et durable du conflit transnistrien, fondé sur la souveraineté et l’intégrité territoriale de la République de Moldavie à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues avec, pour la Transnistrie, un statut spécial garantissant pleinement les droits humains, politiques, économiques et sociaux de sa population. Ils ont également souligné l’importance de la Conférence permanente sur les questions politiques dans le cadre du processus de négociation en vue du règlement du conflit transnistrien en format « 5+2 », seul mécanisme permettant de parvenir à un règlement global et durable. Aucune déclaration ministérielle sur les négociations relatives au processus de règlement transnistrien au format « 5+2 » n’a pu être adoptée lors du conseil ministériel de Łódź (1-2 décembre 2022), dans le contexte de la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine.

La Mission de l’OSCE en Moldavie, établie en 1993, continue, en marge des réunions 5+2, à apporter son aide pour rapprocher les deux rives du Dniestr.

Dernière modification : 26/01/2023

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